Le Figaro
Festival d’Avignon 2024 :
notre sélection de spectacles
à ne pas manquer
8 juillet 2024
par Nathalie Simon
Parmi le foisonnement de spectacles, dans le in comme dans le off, voici notre sélection. Au menu, des œuvres «documentaires», politiques ou poétiques, toutes de haute tenue.
La France, Empire
Dans un seul en scène «documentaire», l'auteur comédien Nicolas Lambert raconte l'histoire de la colonisation. «Montrez en quelques lignes que l'armée française est au service des valeurs de la République et de l'Union européenne.» Une feuille de papier blanche à la main, lunettes sur le nez, Nicolas Lambert tente d'expliquer à sa fille en classe de troisième le b.a.-ba de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences. «On ne dit pas deuxième, sinon, ça veut dire qu'il y en aura une troisième...», précise-t-il. Officiellement, il n'y eut que des «événements». Il a fallu attendre une vingtaine d'années pour parler de la Guerre d'Algérie. Après la trilogie Bleu-Blanc-Rouge, l'A-Démocratie, très documenté et également imprégné de son histoire personnelle, l'auteur tord le cou aux clichés véhiculés par les manuels scolaires, se moque des poncifs, raconte enfin la vraie Histoire de France, le temps des colonies, le démantèlement de l'«empire» républicain.
Originaire de la région picarde, dont il analyse la «désintégration», le comédien incarne avec brio et tour à tour son grand-père «tape dur», sa grand-mère traumatisée qui refuse qu'il fasse la guerre, Maître Capello, pointilleux sur les accords de la langue française, le général de Gaulle ou Nicolas Sarkozy et son discours du 26 juillet 2007 à Dakar écrit par Henri Guaino à l'université Cheikh-Anta-Diop. Selon l'ancien président de la République, «l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire»... Nicolas Lambert se souvient qu'enfant, il passait des heures à rêver et à lire des bandes dessinées dans le grenier familial. Ex-soldat, son grand-père chantait la Casquette du Père Bugeaud. Pourtant, le dramaturge évite le jugement. Pédagogue, voire didactique, il se contente de constater les faits, non sans humour. «Pourquoi ne m'a-t-on pas “déraconté” » le roman national de l'empire de la République ?», s'interroge-t-il, en rappelant que les hommes dont les noms ornent les rues -Galieni, Faidherbe ou Lyautey- ne sont pas si admirables. Ses réponses sont étayées et claires. Nicolas Lambert parcourt le plateau bien éclairé par son complice Erwan Temple.
Né en 1964 à Saint-Quentin, dans les Hauts-de-France, l'acteur a fait des études de philosophie avant de diriger le Théâtre universitaire de Nanterre et de fonder, avec Sylvie Gravagna, la compagnie Charlie Noé (Pantin, 1990-2004). Nicolas Lambert n'en est pas à son premier «spectacle documentaire». Il avait déjà puisé dans les archives pour élaborer des seuls en scène sur les mensonges d'État. Dans le cadre de l'A-Démocratie, il «jouait» Elf, la pompe Afrique, qui revenait sur scandale politico-financier des années 1990, Avenir radieux une fission française, sur le nucléaire et Le Maniement des larmes, consacré à l'armement. Au fait du passé et de l'actualité, le quinquagénaire pourrait tout à fait intervenir dans les écoles.